jeudi, mai 17, 2007

Ivano Ghirardini, première trilogie hivernale solitaire des grandes faces nord des Alpes.




MONTAGNE


Exceptionnel: le même hiver après le Cervin et les Grandes Jorasses


Ivano Ghirardini réussit l'ascension hivernale


solitaire de la face nord de l'Eiger


Chamonix. La réussite du G.M.H.M. dans la directissime hivernale de la face Nord de l'Eiger, ne doit pas faire oublier ce que viennent d'achever un alpiniste japonais et un français, en solitaires, à 24 heures d'in­tervalle.


En effet, pendant que l'équipe du capitaine Marmier, poursuivait son ascension, Tsuneo Hasegawa, un Japonais qui réside actuellement à Chamonix, réus­sissait la première ascension hivernale solitaire de la face Nord de l'Eiger, par la voie normale. Le Japonais et les militaires se sont même1 trouvés ensemble au bivouac de la Mort Sur cet itinéraire, était engagé égale­ment, en solitaire, Ivano Ghirar­dini, guide de l'association indé­pendante du Mont-Blanc à Cha­monix, qui a atteint Je sommet dimanche, réussissant la se­conde hivernale en solitaire et la première française du genre.


De retour à Chamonix, Yvan Ghirardini a pu nous raconter dans quelles conditions s'étaient déroulées ces journées exceptionnelles, conditions qui ont été les mêmes pour le Japonais qui l'a précédé. En ce qui le concerne, Yvan Ghirardini, se refuse à parler d'exploit:


« J'ai bivouaqué cinq fois entre mardi et dimanche. Les conditions atmosphériques ont tou­jours été très moyennes, avec des nuages, du vent, du brouil­lard, et des coulées de neige le long de la paroi. Le rocher était en mauvaise condition. J'aurais pu sortir le dernier soir, mais le sommet était couvert de givre et enveloppé de brouillard, et c'était trop dangereux. J'ai été très impressionné par la traver­sée des Dieux. Au deuxième névé, j'ai dû attendre que le vent se calme pour continuer mon ascension ».


On le voit, ce sont bien les conditions très difficiles qu'ont connu également les militaires du G.M.KM.


Les derniers grands problèmes des Alpes résolus en trois mois par le même homme


En fait, pour Yvan Ghirardini, et pour ceux qui s'intéressent à l'alpinisme en général, cette as­cension doit être replacée dans son contexte. Historiquement, les trois grands problèmes des Alpes, ont été le Cervin, les Grandes Jorasses, dans le mas­sif du Mont-Blanc, et l'Eiger. Vénérés et redoutés, ces som­mets ont toujours été les juges de paix des valeurs et les étapes ont toujours été franchies dans la même décennie, pour tous les trois


Les premières du Cervin, de l'éperon Croz, dans les Joras­ses, et de l'Eiger, ont été réus­sies dans les années 1930. Puis, dans les années 60, ce furent les premières solitaires et en 1977-78, Yvan Ghirardini, a fran­chi à lui seul, ce qui est excep­tionnel et remarquable, une étape très importante : La soli­taire hivernale. Le 21 décembre c'est la seconde hivernale soli­taire dans la voie Schmidt au


Cervin. Le10 janvier, c est dans les mêmes conditions l'éperon Croz et maintenant l'Eiger. Tous les spécialistes s'accordent à dire qu'il s'agit là d'une série exceptionnelle. Pour Ivano Ghi­rardini, c'est un aboutissement. Jamais personne n'avait accom­pli une telle trilogie, et de plus en un seul hiver.


C'est aussi la victoire de l'alpi­nisme classique. Dans le respect de l'état d'esprit des premiers conquérants de ces voies extrê­mes, Yvan Ghirardini n'avait pas de poste radio, donc pas de


prévisions- météo, pas de hamac pour le bivouac, pas de pitons à expansion. L'alpiniste français a tout hissé à dos d'homme, dans un sac de dix kilos, qui conte­nait des vivres, une dizaine de pitons, quelques broches à glace, 7 à 8 mousquetons et deux cordes de 35 m. L'engage­ment était donc maximum.


C'est en tout cas, de l'avis gé­néral des spécialistes, une étape très" importante dans l'histoire de l'alpinisme.


JEAN PAUL ROUDIER