jeudi, septembre 23, 2021

Ivano Ghirardini et sa critique du film et de la bd "le sommet des Dieux"

 

Le sommet des Dieux ou le culte mortel des héros ?

 











Tsuneo Hasegawa (長谷川 恒男,  Hasegawa Tsuneo )  est un alpiniste  japonais  ( 1947 1991 ). 

Il a été :

  • le premier Japonais à gravir la face nord du  Cervin  (ou Matterhorn) le , première hivernale solitaire de la voie Schmid ;
  • le premier à gravir en solitaire et en hivernale l' Eiger  ( 1978 ) ;
  • le premier à gravir en solitaire et en hivernale la pointe Walker dans les  Grandes Jorasses  ( 1979 ) ;

Réalisant ainsi la deuxième trilogie hivernale solitaire des  trois grandes faces nord des Alpes , derrière le guide français  Ivano Ghirardini .

Il a réussi la première ascension hivernale solitaire de la face Sud de l' Aconcagua .

En 1991, alors qu'il s'était orienté depuis quelques années vers l' Himalaya , il est victime d'une avalanche. Il effectuait une seconde tentative sur une voie de l' Ultar Sar  au  Pakistan  avec deux équipiers.

Tsuneo Hasegawa a fortement inspiré le personnage de Tsunéo Hase dans la  bande-dessinée  Le Sommet des dieux  adapté par  Jirô Taniguchi  sur la base du roman de  Baku Yumemakura .


Ma première compétition avec Tsuneo Hasegawa à eu lieu en janvier 1977. J'ai tenté quelques semaines avant la première hivernale solitaire de la voie Schmid au Cervin. J'ai échoué à l'épaule à plus de 4000m, en pleine tempête, ce qui m'a valu de sévères gelures aux pieds. Tsunéo réussira brillamment. Il a essuyé lui aussi une tempête, au dessus de la rampe et il a su attendre une acalmie. L'hiver suivant je réussirai à mon tour cette face nord en solo hivernal en 9h.

C'est lorsque j'ai appris qu'un japonais venait de réussir cette belle première que j'ai su qu'il voulait faire comme moi cette première des Trois Derniers Problèmes des Alpes, les faces nord du Cervin, des Grandes Jorasses et de l'Eiger,  en solo et en hiver. Personne ne les avait gravi toutes les trois en solitaire, personne ne les avait gravit toutes les trois en hivernale. Bonnatti, Desmaison, Messner en avait rêvé. Là il fallait le faire et tout cumuler dans le respect des règles de l'alpinisme classique, sans reconnaissance préalable, sans préparation des voies, sans assistance, sans radio. 


C'est à ce moment là que j'ai compris qu'il fallait l'assistance des Dieux et je suis allé à l'automne 1977 en Grèce les prier au sommet du Mont Parnasse et du Mont Olympe et j'ai su que j'étais sous leur protection. Je me souviens de ma prière: " je suis venu vous trouver, seul sur vos montagnes. Voici mon projet et je demande votre aide. Vos temples sont en ruine, vos sources sont taries, les hommes vous ont oublié et pourtant je vous prie."


Et j'ai été exaucé. Tout s'est ouvert devant moi. Après le Cervin en 9h, ou j'ai doublé quatre alpinistes écossais qui avaient déjà fait un bivouac dans la face, j'ai senti que j'avais les pieds agiles, que j'étais bien dans l'esprit d'Achille. J'avais déjà fait la première hivernale en solo de la face nord des Grandes Jorasses par le Linceul en 1975. début janvier 1978, je réalisais la première hivernale en solo de l'éperon Croz aux Grandes Jorasses en deux jours et demi.. il restait l'Eiger. Et c'est là que j'ai retrouvé mon compétiteur, Hasegawa.

Début Mars 1978, il était déjà haut dans la face. Il me devançait de quatre jours. Une tempête venait de le bloquer au niveau du bivouac de la mort. ses traces étaient effacées. J'avançais péniblement dans des accumulations de neige fraiche. Je suis sorti au sommet un jour après lui. Il venait de réussir cette superbe première hivernale solitaire de la face nord de l'Eiger et moi la seconde. Mais je le devançais car je venais de finir le chalenge, les Trois Derniers Problèmes des alpes en solo et en hiver. Il faudra un hiver de plus à Hasegawa pour terminer sa trilogie, avec au passage la première hivernale solo de la Walker. 


Nous nous sommes retrouvés en compétition à l'Aconcagua, lle géant des Amériques et chacun a eu son lot. J'ai fait la première en solo intégral de la gigantesque face sud et lui la première hivernale solitaire. Ce n'est que plus tard que nous nous sommes rencontrés, à Chamonix ou à Zermatt. Nous avons bu des bières ensemble, échangé nos souvenirs. Pour ma part en 1982 j'avais décidé d'arrêter l'alpinisme extrême, suivant en cela cette logique: "Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu". Hasegawa a continué. Au Japon il était un héros. Le pire piège qui soit. Je l'avais moqué en disant: "tu es un samouraï". Il m'avait répondu que non, qu'il se considérait comme un paysan. Il est mort dans une avalanche en 1991 au Pakistan. 


Je suis allé le prier sur sa tombe au pays des hunza en 2001. Ciao Tseuno! Je te souhaite de belles ascensions au Royaume des Cieux. Cet homme extraordinaire avait le sourrire des yeux et la lumière dans le cœur. Une grande et belle âme. 


Alors le sommet des Dieux....non, non et non. la question est : fabriquer des héros est ce fabriquer des cercueils? 

Il n'est pas besoin d'être un héros. A la question: pourquoi avez-vous voulu faire les Trois Derniers Problèmes des Alpes, Cervin , Grandes Jorasses, Eiger, par leurs faces nord, seul et en plein hiver. Je préfère l'humour anglais comme réponse: "parce que ces montagnes sont là". Ce n'est même plus de conquête de l'inutile qu'il s'agit puisque le mot même de conquête ne convient pas non plus. Ni héroïsme, ni conquête. Ces face nord sont la et nous avions juste envie de les gravir. 


Le sommet des Dieu est celui dont on revient vivant !






Le Sommet des Dieux fait son cinéma

 Allez, une petite critique pour bien rester en forme. Je suis toujours en vie et très bonne santé même si j'ai beaucoup d'handicaps à cause de mes différences. Alors exprimons en une, de différence, dans ce monde normopathique effrayant de banalité. Et s'il est bien des pays qui souffrent de normopathie délirante, c'est bien la France et le Japon. Il se sont associés pour faire un film; à partir d'une BD, à partir d'un récit fiction, qui n'a de fiction que le nom tant c'est une succession de clichés à l'eau de Seine ou de Garonne, plates et calmes. 












D'abord cette histoire Mallory et Irvine. Ont ils fait les premiers l'Everest? Une question sans grande importance car toute compétition en Himalaya est complètement faussée par le système des autorisations. L'accès n'est pas libre et donc les premières en Himalaya n'ont pas beaucoup de sens. Cela a toutefois permis l'essor des alpinismes à la gloire des nations dans les années 50 et l'essor des alpinistes commerciaux dans les années 70. Ces derniers ont vite vu la faille dans les alpinismes nationaux avec ces expéditions trop lourdes pour rien sauf mettre le plus de chances pour réussir. Non, ce qui me plait c'est cet anglais qui voulait gravir l'Everest pieds nus, après avoir réussi de la sorte le Kilimandjaro et le Ruwenzori. Après tout pourquoi pas. Cet anglais est monté à plus de 7000m pieds nus dans la neige, versant chinois. Si l'accès était libre, nous aurions eu une autre histoire de l'himalayisme, comme cela été le cas dans les Alpes ou à l'Aconcagua. La démarche qui consiste à savoir si Mallory et Irvine ont fait l'Everest avant tout le monde  est intéressante à cause de l'appareil photo...comme preuve. C'est amusant lorsque l'on pense aux escrocs qui ont prétendu avoir fait des premières de niveau mondial sans preuves ou en volant les photos d'autres expéditions pour essayer de duper tout le monde.