ALPINISME
Quinze Français dans le «K2
De notre correspondant
Grenoble. — Les. onze alpi¬nistes français membres de l'expédition nationale au « K. 2» (1) se sont envolés dimanche 17 juin pour le Pakistan. Ils doivent rejoin¬dre les trois guides — Yan¬nick Seigneur, Daniel Monaci et Jean Coudray — partis quelques jours plus tôt pour recruter les mille deux cents porteurs nécessaires au trans¬port des 12 tonnes de maté¬riel et de vivres jusqu'au camp de base (2).
Depuis leur victoire dans le pilier ouest du Makalu en mai 1971, Bernard Mellet et Yannick Seigneur souhaitaient « monter » une nouvelle expédition de très grande envergure dans l'Hima¬laya. Le « K. 2 », — deuxième sommet du monde, — situé dans la chaîne du Karakorum au Pa¬kistan, conquis pour la première fois par les Italiens Compagnon! et Lacedelli le 31 juillet 1954 (l'expédition dirigée par Ardito Desio comprenait les meilleurs grimpeurs italiens du moment, dont Walter Bonatti), puis en
1977 par des Japonais, et enfin, en 1978, par une expédition amé¬ricaine, tentait les deux hommes depuis de nombreuses années. Les Français (3) souhaitent conquérir l'arête sud-sud-ouest qui du camp 2 (6 300 mètres) présente une succession de trois versants rocheux verticaux ; la partie la plus audacieuse étant située au - dessus . du Glacier suspendu (altitude 7500 mètres), où les alpinistes devront fran¬chir une barre rocheuse de 1200 mètres de haut. Aux difficultés dues à l'altitude et au froid s'ajouteront les problèmes tech¬niques que devront affronter sur cette paroi les huit hommes qui comptent parvenir au som¬met entre le 20 'août et le 20 sep¬tembre. « Comme dans le pilier ouest du Makalu, nous allons au-devant de très gros problèmes, reconnaît le chef de l'expédition, Bernard Mellet. Jamais des diffi¬cultés de cet ordre n'ont été ten¬tées à 8 000 mètres. Il n'est pas certain que nous pourrons pas¬ser.
L'expédition française ne pour¬ra pas compter au « K. 2 » sur l'aide des sherpas népalais beau¬coup plus habitués que les habi¬tants des hautes vallées du Pa¬kistan à la progression sur terrain difficile et en altitude. C'est la raison pour laquelle l'ex¬pédition compte un nombre important d'alpinistes — quatorze; — qui devront eux-mêmes mon¬ter jusqu'au camp 6, d'où sera donné l'assaut final, 260 kg de! matériel.
Les Français arrivent quelques semaines seulement après le dé-1 part de l'alpiniste autrichien ' Reinhold Messner, vainqueur en •
1978 de l'Everest, sans oxygène, qui conduit en ce moment une ; expédition « semi-légère » au: « K 2 ». Il serait engagé actuel¬lement dans le même itinéraire que celui projeté par l'expédition nationale française. Selon Ber¬nard Mellet, qui l'a rencontré
avant de quitter l'Europe, Mess¬ner « bifurquera » sur la droite de la face à partir de 7 500 mè¬tres, pour rejoindre à travers des vires rocheuses l'arête dite des Italiens. « Reinhold Messner évi¬tera ainsi les difficultés évidentes de la face », fait remarquer le chef de l'expédition française.
Il aura fallu deux ans d'efforts à ses « promoteurs » pour réunir les 2 millions de francs néces¬saires à ce projet. L'expédition nationale française bénéficiera d'une subvention de l'Etat qui devrait dépasser 800000 F. En outre, elle a dû recourir aux aides , financières ou matérielles de firmes intéressées par le dé¬veloppement de l'alpinisme, et donc par l'impact publicitaire auprès de l'opinion publique.
Lors des précédentes expéditions nationales (Anapurna en 1950 ; Makalu en 1954-1955 ; tour de Mustagh en 1956 ; Jannu en 1959 et 1962 ; Makalu, pilier ouest, en 1971), le financement était en règle générale assuré grâce aux fonds propres de la Fédéra¬tion française de la montagne et par une subvention exception nelle de l'Etat. La F.F.M. recon¬naît aujourd'hui que ce principe i de financement n'est plus adapté à l'ampleur des projets et au coût qu'ils entraînent. Les fabri-l cants de matériel semblent avoir' sans trop de difficulté « investi » dans cette « entreprise ». Ce projet privera probablement d'autres petites expéditions d'ai¬des qui leur sont pourtant pré¬cieuses. L'expédition nationale fra-nçaise au « K 2 » aura mobi-. lise, pour la circonstance, toutes les « énergies ».
CLAUDE FRANCILLON.
(1) Son altitude, évaluée Jusqu'en 1976 à 8 611 mètres, a été portée à 8760 mètres à la suite de nouvelles I mesures. Toutefois, certains contes¬tent le caractère scientifique de ce nouveau calcul, attribuant plutôt à des Intentions politiques cette « subite croissance » de la montagne.
(2) Dont trois cents porteurs néces¬saires au ravitaillement de la, colonne. •-
(3) Bernard Mellet (chef de l'expé¬dition), Yannick Seigneur et Jean-Claude Mosca (assistants), Maurice Barrard, Pierre Beghin, Jean-Marc Boivin, Patrick Cordier. Jean Cou¬dray, Xavier Fargeas, Ivano Ghirardini, Marc Galy, Thierry Leroy, Dominique Marchal, Daniel Monaci, Dominique Chaix (médecin).
Quinze Français dans le «K2
De notre correspondant
Grenoble. — Les. onze alpi¬nistes français membres de l'expédition nationale au « K. 2» (1) se sont envolés dimanche 17 juin pour le Pakistan. Ils doivent rejoin¬dre les trois guides — Yan¬nick Seigneur, Daniel Monaci et Jean Coudray — partis quelques jours plus tôt pour recruter les mille deux cents porteurs nécessaires au trans¬port des 12 tonnes de maté¬riel et de vivres jusqu'au camp de base (2).
Depuis leur victoire dans le pilier ouest du Makalu en mai 1971, Bernard Mellet et Yannick Seigneur souhaitaient « monter » une nouvelle expédition de très grande envergure dans l'Hima¬laya. Le « K. 2 », — deuxième sommet du monde, — situé dans la chaîne du Karakorum au Pa¬kistan, conquis pour la première fois par les Italiens Compagnon! et Lacedelli le 31 juillet 1954 (l'expédition dirigée par Ardito Desio comprenait les meilleurs grimpeurs italiens du moment, dont Walter Bonatti), puis en
1977 par des Japonais, et enfin, en 1978, par une expédition amé¬ricaine, tentait les deux hommes depuis de nombreuses années. Les Français (3) souhaitent conquérir l'arête sud-sud-ouest qui du camp 2 (6 300 mètres) présente une succession de trois versants rocheux verticaux ; la partie la plus audacieuse étant située au - dessus . du Glacier suspendu (altitude 7500 mètres), où les alpinistes devront fran¬chir une barre rocheuse de 1200 mètres de haut. Aux difficultés dues à l'altitude et au froid s'ajouteront les problèmes tech¬niques que devront affronter sur cette paroi les huit hommes qui comptent parvenir au som¬met entre le 20 'août et le 20 sep¬tembre. « Comme dans le pilier ouest du Makalu, nous allons au-devant de très gros problèmes, reconnaît le chef de l'expédition, Bernard Mellet. Jamais des diffi¬cultés de cet ordre n'ont été ten¬tées à 8 000 mètres. Il n'est pas certain que nous pourrons pas¬ser.
L'expédition française ne pour¬ra pas compter au « K. 2 » sur l'aide des sherpas népalais beau¬coup plus habitués que les habi¬tants des hautes vallées du Pa¬kistan à la progression sur terrain difficile et en altitude. C'est la raison pour laquelle l'ex¬pédition compte un nombre important d'alpinistes — quatorze; — qui devront eux-mêmes mon¬ter jusqu'au camp 6, d'où sera donné l'assaut final, 260 kg de! matériel.
Les Français arrivent quelques semaines seulement après le dé-1 part de l'alpiniste autrichien ' Reinhold Messner, vainqueur en •
1978 de l'Everest, sans oxygène, qui conduit en ce moment une ; expédition « semi-légère » au: « K 2 ». Il serait engagé actuel¬lement dans le même itinéraire que celui projeté par l'expédition nationale française. Selon Ber¬nard Mellet, qui l'a rencontré
avant de quitter l'Europe, Mess¬ner « bifurquera » sur la droite de la face à partir de 7 500 mè¬tres, pour rejoindre à travers des vires rocheuses l'arête dite des Italiens. « Reinhold Messner évi¬tera ainsi les difficultés évidentes de la face », fait remarquer le chef de l'expédition française.
Il aura fallu deux ans d'efforts à ses « promoteurs » pour réunir les 2 millions de francs néces¬saires à ce projet. L'expédition nationale française bénéficiera d'une subvention de l'Etat qui devrait dépasser 800000 F. En outre, elle a dû recourir aux aides , financières ou matérielles de firmes intéressées par le dé¬veloppement de l'alpinisme, et donc par l'impact publicitaire auprès de l'opinion publique.
Lors des précédentes expéditions nationales (Anapurna en 1950 ; Makalu en 1954-1955 ; tour de Mustagh en 1956 ; Jannu en 1959 et 1962 ; Makalu, pilier ouest, en 1971), le financement était en règle générale assuré grâce aux fonds propres de la Fédéra¬tion française de la montagne et par une subvention exception nelle de l'Etat. La F.F.M. recon¬naît aujourd'hui que ce principe i de financement n'est plus adapté à l'ampleur des projets et au coût qu'ils entraînent. Les fabri-l cants de matériel semblent avoir' sans trop de difficulté « investi » dans cette « entreprise ». Ce projet privera probablement d'autres petites expéditions d'ai¬des qui leur sont pourtant pré¬cieuses. L'expédition nationale fra-nçaise au « K 2 » aura mobi-. lise, pour la circonstance, toutes les « énergies ».
CLAUDE FRANCILLON.
(1) Son altitude, évaluée Jusqu'en 1976 à 8 611 mètres, a été portée à 8760 mètres à la suite de nouvelles I mesures. Toutefois, certains contes¬tent le caractère scientifique de ce nouveau calcul, attribuant plutôt à des Intentions politiques cette « subite croissance » de la montagne.
(2) Dont trois cents porteurs néces¬saires au ravitaillement de la, colonne. •-
(3) Bernard Mellet (chef de l'expé¬dition), Yannick Seigneur et Jean-Claude Mosca (assistants), Maurice Barrard, Pierre Beghin, Jean-Marc Boivin, Patrick Cordier. Jean Cou¬dray, Xavier Fargeas, Ivano Ghirardini, Marc Galy, Thierry Leroy, Dominique Marchal, Daniel Monaci, Dominique Chaix (médecin).