LA CHRONIQUE ALPINE
par Lucien DEVIES
Grandes Jorasses
Ivan Ghirardini (qui habite dans les Alpes-de-Haute-Provence et non dans l'Ariège) nous a adressé des précisions sur son par¬cours hivernal du Linceul qui reconstituent exactement son aventure. Attaque le 23 février 1975 à 10 h par la voie Desmaison du flanc gauche de l'éperon de la Walker. Le 25, il quitte cet itinéraire et rejoint le Linceul au-dessus des goulottes. Le 26 au soir, au bivouac, c'est la cata¬strophe : Ghirardini perd le joint d'étan-chéité du bleuet et ne peut plus faire de boisson. Le 27 il continue, après avoir abandonné du matériel et des aliments en poudre. Vers 17 h, à 50 m sous l'arête des Hirondelles, il voit l'hélicoptère et fait des signaux de détresse. Bivouac sur l'arête. Après une mauvaise nuit due à la déshydra¬tation, il continue vers le sommet. Vers 12 h, l'hélicoptère passe; Ghirardini fait de nou¬veaux signaux de détresse, mais l'hélicop¬tère part ; le grimpeur attend deux heures, espérant, vainement, les secours. Il repart
et descend. Vers 17 h 30, nouveau passage de l'hélicoptère, nouveaux signaux de détresse au niveau du Reposoir. I. Ghirardini n'a plus de nourriture et attend, persuadé que ses signaux ont été compris. Le dimanche 2 mars, le mauvais temps arrive et le lundi c'est la tempête de neige avec une légère accalmie le mardi. A l'expiration du délai de dix jours annoncé par le jeune homme, ses parents se sont inquiétés. Son père a téléphoné le 3 à Chamonix (où on lui a répondu que tout allait bien) puis retéléphoné les 4 et 5 : les secours sont déclenchés ce jour-là. Et le 6, vers 11 h 30, l'hélicoptère, dont l'équipage fait preuve une fois de plus d'une décision et d'un courage remarquables, arrache le jeune homme à une mort certaine. La faillite des signaux conventionnels est démontrée par ce drame qui s'est bien ter¬miné à l'ultime instant : par trois fois Y. Ghirardini avait fait les signaux avec les bras levés et il n'avait pas été compris. C'est montrer combien il importe que les recom¬mandations de la F.F.M. pour l'emploi d'une fusée rouge ou d'un carré rouge soient diffusées au maximum... et suivies.
Grandes Jorasses
Du 22 au 28 février 1975, un jeune aspi¬rant-guide breveté l'année dernière à l'E.N.S.A., M. Ivano Ghirardini, demeu¬rant dans l'Ariège, a effectué en soli¬taire le quatrième parcours et la seconde hivernale du Linceul. D'hélicoptère, on l'aperçut à plusieurs reprises dans la voie d'abord et sur l'arête des Hirondelles le 28. Dans l'après-midi du 28 on aperçut ses traces se dirigeant vers le rocher Whymper.
N'ayant pas de nouvelles, on pensa qu'il avait rejoint Courmayeur puis l'Ariège.
Mais le 5 mars un appel téléphonique de son père donnait l'alerte : le jeune homme n'était pas rentré chez lui! Le 6 au matin, un hélicoptère le découvrit à 3 700 m étendu sur la neige à l'aplomb de la pointe Whym¬per, les bras en croix. Malgré de très mau¬vaises conditions, le treuillage fut tenté et réussi et Ghirardini transporté à l'hôpital de Chamonix. Il avait des gelures aux pieds et aux mains et se trouvait dans un état d'épuisement extrême, sans doute n'aurait-il pas résisté à une dernière nuit en altitude. Cette réussite très audacieuse était au dessus des forces, pourtant très grandes
comme en témoignent les difficultés sur¬montées, de celui qui l'avait entreprise et son achèvement en perdition illustre la sé¬vérité de l'alpinisme hivernal des grandes entreprises. Elle constitue une mise en garde et montre aussi l'intérêt, voire la né¬cessité, d'un échelon à terre et d'une déclaration de départ et de retour.
par Lucien DEVIES
Grandes Jorasses
Ivan Ghirardini (qui habite dans les Alpes-de-Haute-Provence et non dans l'Ariège) nous a adressé des précisions sur son par¬cours hivernal du Linceul qui reconstituent exactement son aventure. Attaque le 23 février 1975 à 10 h par la voie Desmaison du flanc gauche de l'éperon de la Walker. Le 25, il quitte cet itinéraire et rejoint le Linceul au-dessus des goulottes. Le 26 au soir, au bivouac, c'est la cata¬strophe : Ghirardini perd le joint d'étan-chéité du bleuet et ne peut plus faire de boisson. Le 27 il continue, après avoir abandonné du matériel et des aliments en poudre. Vers 17 h, à 50 m sous l'arête des Hirondelles, il voit l'hélicoptère et fait des signaux de détresse. Bivouac sur l'arête. Après une mauvaise nuit due à la déshydra¬tation, il continue vers le sommet. Vers 12 h, l'hélicoptère passe; Ghirardini fait de nou¬veaux signaux de détresse, mais l'hélicop¬tère part ; le grimpeur attend deux heures, espérant, vainement, les secours. Il repart
et descend. Vers 17 h 30, nouveau passage de l'hélicoptère, nouveaux signaux de détresse au niveau du Reposoir. I. Ghirardini n'a plus de nourriture et attend, persuadé que ses signaux ont été compris. Le dimanche 2 mars, le mauvais temps arrive et le lundi c'est la tempête de neige avec une légère accalmie le mardi. A l'expiration du délai de dix jours annoncé par le jeune homme, ses parents se sont inquiétés. Son père a téléphoné le 3 à Chamonix (où on lui a répondu que tout allait bien) puis retéléphoné les 4 et 5 : les secours sont déclenchés ce jour-là. Et le 6, vers 11 h 30, l'hélicoptère, dont l'équipage fait preuve une fois de plus d'une décision et d'un courage remarquables, arrache le jeune homme à une mort certaine. La faillite des signaux conventionnels est démontrée par ce drame qui s'est bien ter¬miné à l'ultime instant : par trois fois Y. Ghirardini avait fait les signaux avec les bras levés et il n'avait pas été compris. C'est montrer combien il importe que les recom¬mandations de la F.F.M. pour l'emploi d'une fusée rouge ou d'un carré rouge soient diffusées au maximum... et suivies.
Grandes Jorasses
Du 22 au 28 février 1975, un jeune aspi¬rant-guide breveté l'année dernière à l'E.N.S.A., M. Ivano Ghirardini, demeu¬rant dans l'Ariège, a effectué en soli¬taire le quatrième parcours et la seconde hivernale du Linceul. D'hélicoptère, on l'aperçut à plusieurs reprises dans la voie d'abord et sur l'arête des Hirondelles le 28. Dans l'après-midi du 28 on aperçut ses traces se dirigeant vers le rocher Whymper.
N'ayant pas de nouvelles, on pensa qu'il avait rejoint Courmayeur puis l'Ariège.
Mais le 5 mars un appel téléphonique de son père donnait l'alerte : le jeune homme n'était pas rentré chez lui! Le 6 au matin, un hélicoptère le découvrit à 3 700 m étendu sur la neige à l'aplomb de la pointe Whym¬per, les bras en croix. Malgré de très mau¬vaises conditions, le treuillage fut tenté et réussi et Ghirardini transporté à l'hôpital de Chamonix. Il avait des gelures aux pieds et aux mains et se trouvait dans un état d'épuisement extrême, sans doute n'aurait-il pas résisté à une dernière nuit en altitude. Cette réussite très audacieuse était au dessus des forces, pourtant très grandes
comme en témoignent les difficultés sur¬montées, de celui qui l'avait entreprise et son achèvement en perdition illustre la sé¬vérité de l'alpinisme hivernal des grandes entreprises. Elle constitue une mise en garde et montre aussi l'intérêt, voire la né¬cessité, d'un échelon à terre et d'une déclaration de départ et de retour.