vendredi, novembre 06, 2009

Jean Philippe Roux, Ivano Ghirardini au mont Mac Kinley, éperon Cassin.


Montagne
La réussite d'Ivano Ghirardini au mont Mac Kinley : Plus difficile que l'Himalaya

Chamonix. — Comme nous l'avons indiqué dans une nouvelle brève, il y a quelques jours, le guide indépendant de Chamonix, Ivano Ghirardini, est rentré victorieux d'une expédition en Alaska avec un jeune étudiant d'Amiens, Jean-Philippe Roux.
Tous deux ont gravi l'éperon Cassin du mont Mac Kinley (6187 mètres), l'itinéraire le plus difficile de ce sommet par la voie des Japonais qui en constitue la difficulté extrême. C'est la première fois qu'une expédition française atteignait ce sommet par cet itinéraire en technique alpine, c'est-à-dire sans camp fixe, ni cordes fixes en style alpin.
Au départ, ils devaient être quatre mais, finalement ils ne se sont retrouvés que deux.
Partis le 28 avril de France, ils étaient le 29 à Anchorage. De là, ils prirent le train jusqu'à Talkitna où, le 2 mai, un petit avion les déposa au camp de base à 2000 métrés d'altitude. C'est en faisant marche d'approche sur le glacier d'East Fork qu'ils atteignirent, le 5 mai, le pied de l'éperon Cassin, une paroi impressionnante de 2600 métrés de dénivelle.
Le couloir des Japonais de 400 métrés de dénivelle, est équipé de nombreuses cordes fixes, témoins du passage de plusieurs expéditions lourdes. Mais, elles sont aujourd'hui inutilisables. Tout au plus la cordée française s'appuie-t-elle sur des relais.
Un équipement ultra-léger!
Car, les deux hommes, n'ont qu'un équipement ultra-léger : Trois pitons, quatre broches à glace, six mousquetons, deux cordes, ce qui représente, pour chacun, un sac de 12 kilos avec le matériel de bivouac et les vivres pour dix jours.
Le 6 mai, ils bivouaquent au sommet du couloir après avoir franchi, dans la journée, des passages à 70° : Un secteur qui ressemble à la goulotte Chère dans le massif du Mont-Blanc. Le lendemain, ils suivent l'arête neigeuse qui conduit au plateau à 4300 mètres d'altitude où ils installent leur second bivouac.
Le 8 mai, une violente tempête les cloue sur place et l'on sait que cette montagne est balayée par des tempêtes d'autant plus dan¬gereuses que les effets de l'altitu¬de s'ajoutent à ceux du climat polaire. Un arrêt qui permet aussi de mieux s'acclimater.
Le lendemain, les deux Français, qui font l'ascension avec une équipe suisse, laquelle emprunte un itinéraire tout proche, attei¬gnent le premier ressaut, une escalade extrême en rocher en IV. V. degrés de difficulté, quasi

vertical. Le 10 mai, le second ressaut est franchi et les deux hommes se reposent au 5e bi¬vouac à 5200 mètres d'altitude.
Encore une grosse tempête avec des vents très violents le lende¬main et, le 12 mai, à la faveur d'une accalmie, les deux hom¬mes atteignent le sommet de l'éperon mais, déjà, Jean-Philip¬pe Roux donne des signes de gelures aux pieds. Il va donc falloir précipiter le retour.
Un livre
de philosophie
chinoise
Ils redescendent par la voie normale de l'arête ouest, à 5000 mètres d'altitude, le 13 mai ils sont au camp de base, le 14 ils repartent en avion vers Anchora¬ge, le 15 ils sont à Londres et le 16 en France.
Jean-Philippe Roux est hospitali¬sé depuis pour ces gelures aux pieds.
L'ascension aura duré cinq jours, par des températures nocturnes de moins 30°, mais des journées très longues car, sous le cercle polaire, à cette époque de l'an¬née, la nuit ne dure que 4 heures. Pourtant, même si les deux hommes pouvaient grimper plus
longtemps, ils ont prit le temps nécessaire pour s'acclimater et se reposer.
Ils avaient emmené avec eux un livre de philosophie chinoise pour meubler les journées de tempête. Jean-Philippe est étudiant en philosophie, quant à Yvan, sur¬nommé dans les milieux alpins « le mystique », il n'a rien à lui envier de ce point de vue. Les deux amis ont donc pu ainsi
échanger leurs points de vue sur la conception de l'existence, sur les raisons qui les poussent à grimper et Dieu sait si Ivan Ghirardini a une idée et des motivations originales en matière d'alpinisme.
Le Mont Mac Kinley est une classique de l'alpinisme améri¬cain, et le sommet a été atteint par la voie normale par de nombreuses expéditions, mais c'était seulement la seconde ascension française de la face sud.
JEAN-PAUL ROUDIER
Notre photo : C'est en avion que les deux alpinistes sont arrivés au camp de base.